Le vers saturnien (versus saturnius ou numerus saturnius) est la forme la plus ancienne de vers de la poésie latine. Ses caractéristiques restent encore une énigme aujourd'hui, comme elles l'étaient déjà sans doute pour les Romains de l'époque impériale. Le paradoxe est que l'on dispose de plus d'une centaine de vers (d'ailleurs tirés de pièces distinctes), que la tradition des grammairiens anciens a catalogués comme saturniens, mais sans expliciter précisément le caractère propre de ce vers. L'origine même du nom est indéterminée : dans la mythologie romaine, Saturne est le premier habitant du Latium, et le dieu tutélaire de la région. Il est possible que le vers saturnien ait correspondu à la scansion spécifique d'un chant religieux dédié à Saturne ; la satire (satura) est une forme poétique spécifiquement latine : on a conjecturé que le saturnien était tout simplement la métrique spécifique de cette forme. L'exemple de saturnien le plus fréquemment cité est celui du grammairien Césius Bassus : dabunt malum Metelli Naevio poetae (les Metelli donneront du bâton au poète Naevius) L'épitaphe du même Naevius est aussi en saturniens : Inmortalis mortalis si foret fas flere Flerent divæ Camenæ Nævium poetam Itaque postquam est Orchi traditus thesauro Obliti sunt Romæ loquier lingua Latina Livius Andronicus (260-207 av. J. C.) écrivit une version latine de l'Odyssée toute en saturniens (qui ne nous est parvenue que mutilée) dont voici quelques extraits (la barre verticale | marque la césure, cf. infra) : Virum mihi, Camena, | insece versutum Tuque mihi narrato | omnia disertim In Pylum devenies | aut ubi ommentans Ibidemque vir summus | adprimus Patroclus Quando dies adveniet, | quem profata Morta est Atque escas habemus | mentionem Partim errant, nequinont | Graeciam redire Apud nimpham Atlantis | filiam Calipsonem L'interprétation d'après un mètre rythmique ne résiste pas à l'examen, à moins d'admettre une quantité de cas particuliers.