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Cet article porte sur la disqualification durable d’alertes médicales et de craintes environnementales concernant la fumée des locomotives à vapeur, à travers l’étude de deux anecdotes renvoyant à des épisodes historiques des années 1820-1830 : l’expression de craintes relatives à l’exploitation de tunnels ; l’appréhension de nuisances de proximité par certains propriétaires. Ces anecdotes, façonnées par les promoteurs du chemin de fer et popularisées par les vulgarisateurs scientifiques entre le milieu du XIXe siècle et la fin de l’entre-deux-guerres, ont contribué à ancrer l’idée d’une attitude irraisonnée en réaction à l’irruption du train dans l’espace et la société. L’étude du contexte de leur production et de leur mobilisation montre qu’elles avaient pour objectif de glorifier les ingénieurs ferroviaires, en exagérant les difficultés rencontrées. Instruments d’un jugement moral, elles accompagnent aussi l’émergence d’une rhétorique technophile venant au secours d’inventions nouvelles dans le cadre d’un paradigme progressiste. Ce faisant, leur circulation jusqu’aux débats plus contemporains sur la technique a contribué à nier puis à effacer en partie certains risques et nuisances de la mémoire collective. Pendant l’ère de la vapeur, comme toute activité industrielle, le chemin de fer a été la source de conflits de proximité et d’incidents parfois sérieux suscitant la réponse des autorités : les tunnels ferroviaires sont longtemps considérés comme un milieu insalubre voire dangereux, notamment pour les travailleurs ; la fumée émise par les locomotives, contributeur à la pollution atmosphérique urbaine, est progressivement reconnue comme un problème public.