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Le prendre-soin est un travail reproductif (Federici, 2014), d’entretien, de maintenance, de reproduction du déjà-là. Le champ lexical du reproductif -verbes précédés du préfixe -re- indique à priori une absence d’imaginaire et d’acte inventif. Cependant, en partant de ce qui (se) passe, de ces nombreux corps (humains, non-humains, architecturaux) et de leurs usages, la reproduction ouvre le champ des possibles, et laisse place à leurs existences auparavant vulnérabilisées. D’un abri pour des adolescents qui fument du shit lorsqu’il pleut jusqu’à une structure de jeux pour enfants quand il fait beau, le projet reproductif et sans programme permet à ce qui (se) passent (le temps, les gens et la destruction des mondes par le capitalisme extractiviste) d’être l’espace même de l’invention, de la marginalité à la marge de manœuvre. Laisser place aux futurités du déjà-là et aux incertitudes qui le caractérise, suivre le flux des matières et des corps pour travailler avec ces forces inventives (Ingold, 2010), tant de pratiques qui permettent d’envisager la reproduction comme horizon transformatif (Haraway, 2016). Dans cette communication, nous souhaitons explorer le potentiel inventif du soin et du travail reproductif en architecture en l’interrogeant dans le cadre d’une expérimentation pédagogique. Pour étudier et transmettre la pratique de cette notion, nous avons mis en place un cours transdisciplinaire au sein de l’ENAC, EPFL. Format intensif sur une semaine pleine, ce workshop se place dans le cadre d’un enseignement obligatoire à option et s’adresse aux étudiants de 2ème année de licence en architecture, génie civil et science de l’environnement. Il réunit des étudiants déjà sensibilisés par une année d’étude et dont l’intérêt pour la thématique est, au moins, existant. Partant d’une occasion - la nécessité d’entretenir ou de démonter une installation majoritairement en bois, réalisée par les étudiants de la première année d’architecture - nous explorons les potentiels dégagés par les temporalités décrites comme éphémères, temporaires ou provisoires qui durent. En s’appuyant sur les connaissances d’une équipe pluridisciplinaire couplant la recherche par l’expérimentation et le projet, des techniques d’assemblages traditionnelles en bois sont employées pour entretenir de manière simple, efficace et économique avec un matériau durable et vivant. A l’origine, la structure aurait dû être démontée au bout d’une année. Cependant un désir collectif de la part des acteurs du projet, situé à Evian-les-Bains, de conserver et de faire évoluer ce projet a été exprimé. Prévu sur quatre ans, le module vise à transformer lentement un terrain privé ouvert en un jardin à usage public. En réaction à leurs observations des évolutions du lieu et des usages dans le temps, les étudiants développent des hypothèses d’interventions pour conforter, dévier, supprimer, augmenter les dynamiques observées. Par itération, entre l’attention et la réaction, la méthode développée permet de comprendre les relations entre les dynamiques du site, et comment nous pouvons, par l’attention et le soin, agir selon nos savoirs sur leur devenir. Le décalage calme des pratiques permet la transformation douce du regard des promeneurs, des propriétaires éclairés, des habitants du quartiers et des institutions publiques, ensemble.