Les fumées des trains à vapeur, un débordement industriel et professionnel (France, Grande-Bretagne, années 1860-1930)

Objet d’une héroïsation précoce et durable, notamment à travers la littérature, le travail des mécaniciens et chauffeurs de locomotives à vapeur reste mal connu du point de vue de ses effets sur l’environnement et sur la santé des travailleurs eux-mêmes. À l’ère de la traction vapeur, la première question a principalement été traitée par les compagnies ferroviaires et les autorités au prisme des conflits de voisinage liés aux nuisances de proximité, et la seconde à travers le risque accidentel et l’aptitude à l’exercice du métier. Depuis, du point de vue des nuisances industrielles et pollutions environnementales, le chemin de fer a bénéficié d’une attention moindre dans l’historiographie que les activités plus manifestement productives. Quant à l’histoire sociale cheminote, elle s’est davantage intéressée à l’organisation du travail qu’à ses effets sur les corps. L’étude des effets de la combustion du charbon permet d’étudier conjointement les enjeux de santé au travail et de santé environnementale. Sur la base d’un travail de recherche doctorale en cours, la communication propose d’interroger l’évolution d’un environnement de travail mobile, la plateforme des locomotives, au prisme de la gestion d’un débordement industriel, la fumée de charbon. Ce faisant, elle traitera de l’intérêt d’une approche critique des récits de vie comme source pour une histoire environnementale du travail cheminot. Entre les années 1860 et les années 1930, la plateforme de conduite fait l’objet d’adaptations constantes en parallèle d’évolutions techniques et énergétiques concernant les machines et leur combustible. Dans ce cadre, l’amélioration souhaitée des conditions de travail se heurte à des enjeux de sécurité de l’exploitation, de contrôle social, et de gestion de certaines nuisances et pollutions, en premier lieu la fumée sensible associée à la combustion du charbon. Dans ce contexte, l’équipe de conduite apparaît payer un prix toujours plus élevé bien que difficile à évaluer, étant à la fois le principal levier dans la stratégie de contrôle du feu et la principale victime de ses débordements.