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Être ingénieur à la cour des Médicis au XVIIe siècle requiert une discipline à la croisée de la mathématique, des arts picturaux et des arts mécaniques. Fondée sur l’héritage d’Alberti, Vinci et Vasari, l’Accademia del disegno – reposant sur les trois piliers vasariens de la perspective linéaire, du clair-obscur et de la géométrie euclidienne – a donc été spécialement créée afin d’enseigner le dessin comme la pratique essentielle aux ingénieurs, architectes, mathématiciens, autant qu’aux peintres, décorateurs et scénographes florentins. Au début du XVIIe siècle, l’Accademia opère la synthèse entre la mathématique, l’art et l’ingénierie à travers le concept et la pratique du disegno. À la mort de Galilée en 1642, Vincenzio Viviani (1622-1703), dernier disciple de l’astronome pisan, devient ingénieur de la cour. Chargé de l’inspection du Val d’Arno et des constructions architecturales toscanes, il doit produire des rapports d’expertise pour le corps d’ingénieurs de Florence. Chemin faisant, Viviani a laissé dans ses appunti de nombreux dessins et esquisses, réalisés à la sanguine, à l’encre, au crayon, pris sur le vif ou bien réalisés de mémoire. Je me propose de plonger dans l’archive personnelle de Viviani faite de paysages et de scènes de genre autant que de schémas techniques en envisageant la surface du papier comme un lieu de savoir et en insistant sur la matérialité de celui-ci comme révélatrice de gestes et de pratiques savantes et artistiques : l’observation minutieuse du réel, l’extraction des formes pertinentes, leur traduction dans un langage graphique adapté permettant l’émergence de la connaissance. Au sein d’une culture curiale qui ne fait pas de différence entre l’artiste peintre, l’ingénieur scénographe et le mathématicien dessinateur, le disegno se révèle être la compétence maîtresse d’une épistémologie pratique ancrée dans une culture visuelle qui brouille la frontière entre les figures modernes de l’artiste et du savant. En me tournant plus spécifiquement vers les schémas géométriques produits par Viviani à l’occasion de l’étude mécanique de la coupole de Brunelleschi à la fin du siècle, j’aimerais envisager le disegno comme une forme de mathématisation de la nature opposée, dans la pratique de la naissante physico-mathématique, à d’autres formes plus symboliques. Trahissant une tension à l’oeuvre entre l’ingénieur et le physico-mathématicien, entre les arts mécaniques et les sciences, cette « mécanique géométrique » annonce les limites du disegno.