En phonétique articulatoire, la tension est un trait phonétique mal défini que l'analyse traditionnelle lie au degré de tonus musculaire des organes phonateurs, bien que le fait n'ait pas été confirmé par l'expérimentation. Elle peut affecter la production des voyelles, des consonnes ou la syllabe entière. Elle accompagne fréquemment d'autres traits phonétiques comme la quantité vocalique, la quantité consonantique ou le voisement. Certaines langues font un usage phonologique d'une distinction de tension, c'est-à-dire qu'elles l'utilisent pour distinguer certains de leurs phonèmes, le plus souvent cependant en corrélation avec d'autres variations phonétiques. Modifier la tension d'un son peut alors aboutir à modifier le sens d'un mot. Quand la distinction de tension affecte les voyelles, on oppose voyelles tendues et voyelles relâchées ; Quand elle affecte les consonnes, on oppose consonne forte (ou fortis) et consonne douce (ou lenis). Dans le cas de la tension syllabique, il ne s'agit plus d'une opposition de phonèmes mais d'une opposition prosodique de phonation. Le français, s'il n'ignore pas ces distinctions du point de vue de la phonétique, ne les utilise pas dans sa phonologie. Dans de nombreuses langues, la différence de tension consonantique n'est pas distinctive par elle-même, mais accompagne une opposition primaire de voisement entre deux séries de consonnes, sourdes et sonores. Les consonnes sourdes sont alors le plus souvent réalisées comme fortes et les sonores comme douces : c'est par exemple le cas du français. La différence de tension peut alors préserver la distinction des deux séries dans des contextes phonétiques où l'opposition de voisement est neutralisée ; ainsi, dans une prononciation soignée du français, le d assourdi de médecin ne se confond pas avec un t (le partenaire sourd de d dans le système consonantique du français) car il reste une douce tandis que t est une forte. On peut alors opposer médecin [] et pète-sec [], quoique la distinction de voisement soit neutralisée devant par assimilation régressive de sonorité.
Andrei Popescu-Belis, Thomas Meyer
Hervé Bourlard, Samy Bengio, Katrin Weber