En linguistique, le terme prothèse (du latin prothesis, à son tour du grec ancien πρόθεσις próthesis « mise devant »), pris à la rhétorique, désigne une modification phonétique qui consiste en l’ajout d’un phone (son) non étymologique au début d’un mot, en général pour faciliter son articulation. Du point de vue de la phonétique historique, la prothèse est un changement qui peut se produire au cours de l’évolution de mots d’une langue mère à une langue fille. Par exemple, les groupes de consonnes [sp], [st] et [sk] initiales de mots latins ont reçu dans certaines langues romanes (espagnol, français, portugais, catalan, occitan), un [e] prothétique. En français, le [s] est tombé dans certains cas : spiritus > espíritu, esprit ; stella > estrella, étoile ; schola > escuela, école, spatula(m) > épaule, scutu(m) > écu. Si dans les langues romanes il y a eu généralement prothèse d’une voyelle devant une consonne, dans certaines langues slaves il s’est produit des prothèses de consonnes devant une voyelle. Selon certains linguistes, en proto-slave, le mot « pomme » avait pour correspondant ablъko. En russe, en polonais et dans le BCMS (bosnien, croate, monténégrin et serbe), ce mot a subi la prothèse du [j] : яблоко iabloko, jabłko, BCMS jabuka, vs абълка abalka, langue dans laquelle il n’y a pas eu cette prothèse. La prothèse d’une autre consonne, [v], s’est produite en russe, par exemple dans le mot восемь vosem’ « huit », vs 'осъм' osam. Cette prothèse est plus fréquente en biélorusse : вока voka (vs oко) « œil », вуха [vuxa] (vs ухо « oreille »). En aroumain est fréquente, quoique non pas générale ni caractéristique pour toutes les variétés régionales, la prothèse de [a], surtout devant [r] : arău (vs roumain rău) « mauvais », aratsi (vs rece) « froid », arădătsină (vs rădăcină) « racine », etc.. C’est d’ailleurs l’explication du a au début du nom de cette langue. Il y a prothèse également dans certaines langues lors du processus d’intégration d’emprunts lexicaux.