Loan André Louis Laurent
Les deltas comptent parmi les milieux les plus vulnérables aux changements alors même qu’ils sont toujours en devenir. Ils sont des environnements matériels en perpétuel flux où tout est destiné à se dégrader ; des lieux de transformations agitées et d’interactions silencieuses où l’eau et la terre se donnent réciproquement forme. Le Plan Delta, l’une des plus grandes réalisations des Pays-Bas au cours des siècles passés, a fait du delta Rhin-Meuse l'un des territoires les plus denses et les plus sûrs du monde. Pourtant, un de ses bras de mer, le Grevelingen, a été fermé par d’énormes barrages. Ceux-ci le transforment en une étendue d’eau salée morte et statique, rompent les continuités écologiques deltaïques en fragmentant les eaux par des lignes de séparations solidifiées et en cristallisant le régime de la technonature néerlandaise. Un retour des marées dans le Grevelingen s’impose donc. Les contraintes modernes assignées aux processus fluviaux et côtiers se heurtent désormais à des amplitudes croissantes, appelant une approche plus complexe et résiliente, où contrôle et flexibilité forment un équilibre dynamique. Ce passage paradigmatique d'un système binaire à une stratégie de protection progressive et d'inondabilité nécessite de repenser la réciprocité entre le cadre de vie et les processus naturels, en concevant des frontières mouvantes pour des territoires fluctuants. Il s’agit de porter une attention particulière aux intermédiaires et aux franchissements pour progressivement rompre la dichotomie entre techno-infrastructures et écosystèmes infrastructurels, restaurer une socioécologie estuarienne pour le Grevelingen et redéfinir la relation perdue entre la ville et le delta.
2023