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L’infiniment petit est en passe de fonder des technologies majeures pour le vingt et unième siècle. Majeures quant à la l’impact que ces technologies maîtrisées peuvent proposer dans des champs aussi variés que le médical, les matériaux ou l’information ; majeures aussi quant à la croissance potentielle que recouvrent de telles technologies diffusantes. Si la plupart des pays développés ont mis en oeuvre des politiques de soutien à la recherche et à l’innovation en faveur de ces nanotechnologies, leurs décideurs ne disposent pas d’outils d’analyse à la hauteur des sommes allouées ou bien encore des enjeux sociaux ou économiques. Le présent rapport essaye de combler en partie ce déficit en analysant, à un niveau très fin les données de publications académiques et de brevets, afin de caractériser les nanosciences et les nanotechnologies en France. Le rapport étudie aussi les interactions – ou la faiblesse de ces interactions – entre nanosciences et nanotechnologies en France. Typologie des clusters de nanosciences en France Le premier chapitre confirme la place prépondérante de Paris, Grenoble, Lyon et Toulouse dans la nanoscience française et souligne son internationalisation. La nanoscience est historiquement spécialisée en science physique, mais laisse de plus en plus de place à la biochimie- pharmacie ou la médecine. Le poids des entreprises tend aussi à croître et représente aujourd’hui 8% des publications académiques. Ce premier chapitre souligne la grande hétérogénéité entre clusters (concentration géographique d’acteurs travaillant sur la nano). Un premier type rassemble les clusters centrés sur les organismes publics de recherche sans spécialisation nette (ex : Paris, Toulouse, Marseille), le second modèle est plus industrialisé et localisé avec des liens science-industrie prépondérants (ex. : Grenoble). À ces clusters s’ajoutent : un cluster internationalisé dans lequel les académiques co-publient avec des multinationales situées à l’étranger (ex : Strasbourg), un cluster dual au sein duquel les articles académiques côtoient les publications académiques de multinationales étrangères (ex : Nice) mais aussi des clusters historiques constitués autour de l’industrie chimique (ex : Lacq, Bernay) ou des clusters autarciques dans lesquels les publications ne sont pas faites en collaboration avec d’autres clusters (ex : Besançon). Des liens entre nanosciences et nanotechnologies fragiles Le second chapitre souligne que l’hétérogénéité du paysage français se retrouve en nanotechnologies. Il montre que les clusters de nanoélectroniques sont soit des clusters imbriqués, soit des clusters duaux. Dans le premier cas, l’imbrication avec la science passe par un acteur local mais fragile, tel que STMicroelectronics à Grenoble ou France-Telecom à Lannion, complété parfois par des multinationales instables (ex : IBM, Motorola, Siemens, Philips…). Dans le second cas, la capacité technologique repose des multinationales étrangères sans relation avec la science locale et dont la valorisation des connaissances au niveau national est contingente en l’absence d’une filière électronique française. Ce chapitre montre en outre que des capacités existent aussi dans les nanomatériaux, la nanobio ou les nanoinstruments. Dans les nanomatériaux par exemple, une dynamique technologique nationale s’articule autour d’entreprises françaises telles que Arkema-Atochem, Michelin ou Saint-Gobain, structurés en clusters nationaux (ex : Lacq-Pau, Compiègne, Bernay-Caen) ou internationalisés (ex. : Clermont, Saint-Fons, Avignon ou Mulhouse). En nanobiotech, les compétences technologiques françaises se retrouvent dans des clusters autocentrés, nationaux ou internationalisés. Paris et Lyon, de par leur taille, recouvrent des liens science-industrie et des acteurs plus locaux alors que d’autres clusters vont développer des liens nombreux au niveau national (ex : le modèle bordelais) ou valoriser leurs technologies au niveau international plutôt qu’en France (ex. : le modèle strasbourgeois). Perspectives stratégiques Le troisième chapitre synthétise les résultats et propose une lecture stratégique selon trois dimensions : la régionalisation, la mise en réseau et la spécialisation. Le rapport souligne qu’une dynamique locale repose tout d’abord sur la présence pérenne de grandes entreprises de niveau mondial productrices de nanotechnologies, mais aussi des interactions avec des fournisseurs ou des utilisateurs locaux. Pour réussir dans des domaines aussi internationalisés et concurrentiels que ceux des nanotechnologies l’excellence des équipes académiques ou industrielles dépend elle-même de l’attractivité de moyens (conditions de travail, revenus, incitations), des services disponibles et de l’accessibilité des clusters. Autant de conditions initiales souvent négligées par les décideurs. Il est aussi important d’avoir conscience que les entreprises actives dans les nanotechnologies en France ont peu d’interactions locales et privilégient les coopérations nationales ou internationales. Le développement local doit donc être reconsidéré dans une perspective de réseaux visant à multiplier les opportunités de production et de valorisation des connaissances nouvelles. Le rapport souligne la capacité de certains clusters à tisser des liens nationaux ou internationaux. Il montre cependant une domination de ces réseaux nano par les filiales ’étrangères de multinationales françaises ou par des entreprises étrangères. L’absence de liens avec les leaders mondiaux en nanotech que sont les asiatiques (Taiwan, Chine, Corée et Japon), ou encore le peu d’ouverture des plus grands clusters français (Paris et Grenoble) suggèrent aussi des difficultés pour les acteurs à tisser et gérer des réseaux nano. Enfin, la pertinence et la viabilité de la stratégie française orientée vers la nanoélectronique et notamment les semi-conducteurs sont mises en doute devant les potentiels en nanomatériaux, en nanobiotechnologies et en nanoinstruments où la France possède des avantages comparatifs plus importants. Le rapport rappelle toutefois la difficulté d’une mise en adéquation des spécialisations scientifiques et des compétences technologiques nationales. Il rappelle le potentiel d’une non-spécialisation (ex: Toulouse) mais aussi ses limites notamment lorsque celle-ci est dominée par la recherche publique en l’absence de liens avec de grandes entreprises. Recommandations L’hétérogénéité des clusters nano français souligne les difficultés d’une politique scientifique et technologique d’ensemble. Les résultats permettent cependant d’avancer quelques recommandations stratégiques. La nano française devrait bénéficier de deux grandes orientations. · Réviser l’orientation vers la nanoélectronique au profit des nanomatériaux, d’une nano pharma-biotech-médical ou des nano-instruments dans lesquels la France a des avantages comparatifs plus clairs. · Préserver la variété scientifique et technologique uniquement quand elle correspond à un intérêt stratégique clairement identifié, et basculer sinon dans une spécialisation cohérente. Les liens science-industrie pourraient être renforcés et rendus plus efficaces. · Abandonner des politiques scientifiques nano sans ancrage industriel clair. · Favoriser en premier lieu les acteurs ou filières industrielles dont les performances économiques sont déjà bonnes et stables ou anticipées comme telles. · Ne plus faire reposer la politique de valorisation des connaissances nano sur la seule création locale de start-up. · Favoriser des multinationales étrangères qui diffusent ou valorisent leur connaissance au niveau local ou national. · Redéfinir la politique nano en prenant en compte les fournisseurs des entreprises de nanotechnologie, ainsi que les utilisateurs de ces nouvelles connaissances. · EPIC et EPST doivent créer (et/ou réallouer) et profiler des postes de chercheurs en prenant en compte la valorisation des connaissances nano produites. Sur la politique de réseaux, six recommandations se dégagent. · Fournir de l’information de manière systématique et décentralisée aux acteurs afin de les aider à mieux connaître et mieux gérer les réseaux auxquels ils appartiennent. · Laisser alors les acteurs constituer leurs réseaux sans prétendre leur imposer ce qui est bon pour eux. · Donner aux acteurs français des ressources pour constituer et entretenir des réseaux nationaux et mondiaux. · Abandonner des structures et des approches régionales peu pertinentes pour la gouvernance des réseaux et structurer une politique nationale de réseau autour des grands besoins des acteurs nano. · Au sein de l’Union Européenne, renforcer en priorité les liens avec l’Allemagne aussi bien au niveau scientifique que technologique. · Intégrer systématiquement les acteurs nano des pays asiatiques dans les stratégies de mise en réseau aussi bien au niveau de la nanoscience que de la nanotechnologie. Ces recommandations peuvent dans leur ensemble transformer la gouvernance du système scientifique et technologique en nanotechnologie et en améliorer les performances. Elles reposent sur des méthodes d’analyse transparentes et transposables à d’autres champs technologiques ou encore utilisées pour analyser le cas d’autres pays. Un ensemble d’annexes offre au lecteur un exposé détaillé de ces méthodes.