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L’espace tout à coup m’irrite. L’interrogation logée au fond de nous a-t-elle vraiment besoin de cet organisateur des supplices et des fêtes ? Nous ne demandions qu’une minute serrée comme un point, le métal le plus rare, une gorgée d’eau, — car nous avons la fièvre à force de nous épuiser dans ces défilés qui n’apportent jamais de surprise ! Toute l’étendue ne vaut pas un cri. Nous savons la leçon d’avance. Assez de pas, assez de gestes, assez de chutes, assez de détours ! La vague et le grain de sa- ble voudraient-ils donc venir à bout de tout par répétition ? La monotonie du nombre sans fin nous berce et nous perd. C’est elle qui fait que le soir nous sommes las et que le délire nous endort... Je me réveille. J’avais menti. Il n’y a pas de Ressemblance. Chaque instant, chaque point de l’étendue est nouveau. C’est ma question qui est la même, et mon regard, et ma douleur. Derrière ce masque d’homme qui ne sait que rire ou pleurer, la réalité monstrueuse hurle de joie. Son énorme tempête soulève et fait craquer les temples que nous avions fixés sur sa face comme une ridicule muselière. Les flots emportent des débris de colonnes. Des fleurs dans l’abîme descendent avec grâce, avec lenteur. En attendant de me mêler à cette chose sans nom, je l’appelle encore l’Espace. Le mot rafraîchit ma pensée, — et je marche. Débat sur un mot Jean TARDIEU, Le démon de l'irréalité, Neuchâtel et Paris : Ed. Ides et Calendes, 1946.