Au sein des villes post-industrielles européennes, le phénomène des friches urbaines incarne sans équivoque la notion de coupure. Véritables morceaux de ville, les friches urbaines sont marquées par une inadéquation entre le potentiel d’utilisation du site et les activités qui s’y déroulent. Dans un contexte cherchant à limiter l’étalement urbain, leur régénération constitue une importante opportunité : elle permet à la fois une gestion économe du territoire par une densité accrue au sein du tissu déjà bâti et une revitalisation à l’échelle du quartier. Les projets de régénération de friches urbaines s’inscrivent pleinement dans les dynamiques de reconquête de la ville et, souvent, dans des processus de l’ordre de la couture urbaine. Pourtant, en dépit d’un fort potentiel tant aux niveaux quantitatifs que qualitatifs, l’intégration holistique d’enjeux environnementaux, sociaux et économiques aux projets de régénérations de friches urbaines est encore loin d’être systématique. Les références au concept de durabilité au sein de ces opérations demeurent dans la majorité des cas implicites, partielles ou superficielles. En réalité, pour atteindre des objectifs de durabilité élevé, l’articulation d’une multitude de paramètres, qui dépassent très largement les limites de la simple intuition, s’avère nécessaire. A ceci s’ajoute le caractère complexe inhérent aux projets de régénération de friches urbaines, qui impose de tenir compte à la fois des spécificités du site (échelle intermédiaire entre ville et bâtiment, constructions existantes de qualité variable, contaminations réelles ou perçues, connotations négatives, etc.), ainsi que celles relatives au processus de projet (longue temporalité projectuelle, multitude d’acteurs, cadre réglementaire, etc.). Face à ce constat, il apparait nécessaire de disposer de solutions d’évaluation ancrées dans les pratiques de l’urbanisme, qui permettent de favoriser une intégration proactive, structurée et continue des enjeux de durabilité dans la dynamique des projets de régénération de friches urbaines. En d’autres termes, il s’agit de disposer des moyens nécessaires à la mise en place d’un monitoring opérationnel spécifiquement adapté à ce type de projets. La dernière décennie a vu éclore une multitude d’approches évaluatives pour répondre aux efforts visant à promouvoir un développement durable de l’environnement construit. Un récent recensement des méthodes évaluatives de la durabilité étant conçues pour les projets de régénérations de friches urbaines a révélé qu’aucune ne permet un monitoring totalement opérationnel soutenant l'intégration holistique à l'échelle du quartier d'enjeux environnementaux, socioculturels et économiques. En parallèle, il a été relevé qu’il existe des solutions de monitoring de la durabilité ayant fait leurs preuves dans d'autres domaines, à l'instar de la gestion d'entreprise. Même si les indicateurs peuvent différer, les principes sous-jacent au monitoring demeurent les mêmes9. A la