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À partir d’une enquête sur l’habitabilité de l’espace souterrain, l’article inaugure une discussion autour du concept de l’« habitat inhabitable ». Si nous argumentons que l’espace souterrain est fondamentalement inhabitable et ne peut être programmé comme habitat même dans des formes dites temporaires, notre but sera d’interroger sur quoi reposent les seuils d’acceptabilité. À partir de la description de trois espaces souterrains habités — les abris de la Protection civile à Genève en 1999 et de 2004 à 2018, l’espace zéro de la Gare du Nord à Bruxelles de 2016 à 2019 et les tunnels de chauffage à Bucarest de 1990 jusqu’en 2015 —, l’article propose de mettre en lumière les conditions de vie de ces espaces vis-à-vis du statut de leurs occupant.e.s, la généalogie de leurs occupations, leurs modalités de gestion et les ambiances qui en résultent. Le caractère inhabitable de l’espace souterrain repose sur les ambiances et les symboliques qui lui sont propres : il sollicite des thèmes tels que l’atrophie, la maladie, la prison, l’(in)visibilité, la dissuasion, la violence ou la mort. En ce sens, le caractère irrespirable de l’espace souterrain ne se qualifie pas nécessairement dans sa matérialité, mais dans les injonctions qui le guident et dans la place qu’il donne ou prive. Enfin, le concept d’habitat inhabitable cherche à favoriser une pensée sur des espaces extraordinairement communs autant qu’à établir des leviers d’action vis-à-vis des situations d’indésirabilité qu’ils impliquent.
Giovanni De Cesare, Paolo Perona, Sylvie Tram Nguyen