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Le passage des communs au commun (Dardot et Laval 2014) représente un tournant conceptuel important : déclarant comme enjeu l’entre-êtres, il pose le commun avant tout comme pratiques et non comme propriétés communes. Poursuivre une réflexion sur la nature de ce commun, ce n’est pas tant réfléchir à des objets autour desquels s’organiserait une communauté mais plutôt regarder en quoi ces objets et la contestation que leur répartition engendre nous permettent de poser des questions sur le vivre ensemble et d’inaugurer des seuils de négociation entre hétérotopies diverses (Stavrides 2016), locaux et temporaires, émergent au sein des pratiques déjà en place. Cette nature du commun nous semble représenter un levier extrêmement pertinent vis-à-vis des enjeux contemporains. Elle constitue une entité riche d’arguments face à une tendance très forte de nos sociétés, présente à tous les niveaux, à valoriser le consensus aux dépens d’une véritable politique (Rancière 1995). Le consensus, conceptuellement présent dans les esprits comme l’un des piliers de la démocratie, guide en effet nombre de pratiques à une normalisation ou aplatissement à l’opposé des ambitions des concernés. Une définition du commun comme seuil, porte d’entrée au débat pour ceux qui jusque-là n’y prenaient pas part, nous paraît pourvoir réunir les concepts de commun et d’urbanité dans un possible être ensemble qui fait de la diversité un ferment plutôt qu’une matière toujours plus nombreuse à organiser. Ce commun-là, ce comm-un (Citton 2011), correspond à un devenir, ce becoming (Thrift 2004) qui n’adresse le futur que comme des virtualités dont certaines sont actualisées dans l’évolution des actions des hommes dans l’espace et le temps qu’ils forment en agissant. Il est donc par essence non-absolu car situé, toujours à réinventer et réinventé par de nouvelles irruptions et relations. Le projet d’architecture – s’inscrivant par essence à la charnière de ces virtualités – devrait tendre à ne pas répéter les structures et pouvoirs établis, mais à les ré-adresser. Le passage de communs matérialisés à commun comme co-action peut donc être mis en parallèle avec le processus du projet d’architecture comme un concevoir et penser à plusieurs qui devrait multiplier les itérations entre présent et virtualités, entre médiat et immédiat, de manière à enclencher ensemble, par des actions situées, cet acte de négociation qui seul peut accueillir toujours plus de diversité dans une ré-écriture collective constante du langage qui la rend sensée (Stiegler, 2015). Pour que ces itérations se fassent le moins violemment possible, nous estimons nécessaire de miser sur une valorisation du savoir déjà présent en tous les actants. Nous nous intéressons plus particulièrement à une forme de savoir liée aux affects, considérant ce savoir à demi-mot, précieux car de forme complémentaire à la conceptualisation, propice à la négociation. Cette vie affective, toujours médiate (Anderson 2014) peut être sollicitée et analysée lors de rencontres avec différentes conditions et objets entrant en interaction et s’inter-individuant pendant ce processus. Nous nous intéressons donc aux supports physiques dans le processus de conception participatif qui s’adressent à ce genre de savoir et travaillent ainsi à une plus grande porosité entre présent et virtualités, emmenant dans leur performativité propre à l’actualisation de certaines de ces virtualités. Plusieurs expériences ont été menées pendant le 20e siècle aux Etats-Unis (Cunningham et Cage au Black Mountain College, Anna et Lawrence Halprin dans les workshops Halprin) pour tenter de décomposer ce séquençage de relations des corps et objets dans l’espace. Elles fournissent des clés d’analyse dans l’expérimentation et la fabrication collective de l’espace entre sensibilités personnelles et enjeux de vivre-ensemble, et nous aident à définir des qualités propres à nous faire concevoir des processus collectifs accueillant, utilisant le commun et sa définition en mouvement pour s’inscrire dans le temps et l’espace de manière à la fois située et connectée, en miroir de la diversité des échelles dans lesquelles se déploient aujourd’hui les phénomènes urbains, entre représentations, pratiques et valeurs.