Emmanuel Pierre Jean Ravalet
Il est 6 heures et 9 minutes. Martin fixe le réveil. Accoudé dans son lit, il attend la sonnerie avec amusement. L’objectif est de l’éteindre en moins d’une demi-seconde. C’est sa manière à lui de se prouver qu’il maitrise le temps. A 6 heures et 10 minutes, la sonnerie est censurée avant même qu’elle n’ait pu s’exprimer. Il se dirige tranquillement vers la salle de bain, où ses vêtements de la journée l’attendent depuis la veille. Dans la cuisine, Martin allume son smartphone sur le planning de la semaine. Assis sur sa chaise, il est déjà sur la route : Nantes, Rennes et Lyon via Paris. Commercial depuis 26 ans et 10 mois, dans les chaussures depuis 17 ans, Martin est un as du Nubuck, le roi du cuir lisse et du talon compensé. Comme beaucoup, Martin se déplace intensément pour son travail. Il articule tant bien que mal une vie de famille, une vie professionnelle, une vie sociale et des mobilités, fréquentes et parfois lointaines. S’il jongle entre des territoires divers, dans chacun d’eux, il est bien souvent absent… Pendularités de longue durée, absences fréquentes pour voyages professionnelles, relations de couple à distance à cause du travail, les formes de la grande mobilité liées au travail sont multiples, et les arbitrages qui y mènent sont complexes. Ces situations sont plus ou moins bien vécues, certains s’y épanouissent, d’autres en souffrent et s’y enlisent, comme dans un sable « mouvant »… Cette conférence, c’est l’histoire d’une recherche qui a débuté en 2006 et qui a duré huit ans, impliquant une vingtaine de chercheurs dans six pays européens. Mais c’est aussi l’histoire d’une bande-dessinée, qui met en dessins les résultats-clés de cette recherche, dans le quotidien de six personnages, six grands mobiles dont Martin.
2016