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Dans son ‘court traité sur l’action, la faute et le geste’ publié en 2018, Giorgio Agamben remet en question la primauté du concept moderne d’action (imputable à un sujet et porteuse de conséquences) dans l’éthique occidentale et propose le geste comme une catégorie d’activité humaine d’une autre nature ; celui-ci serait la forme d’un agir humain comme expression à la fois d’une puissance et d’une volonté, un agir donc émancipé de toute finalité et non imputable à un sujet. Cette proposition postule l’importance d’un agir réflexif dans le développement d’une éthique contemporaine, de nos connaissances et structures sociales. Cet agir prend place au sein d’un environnement donné et constitué comme tel par les gestes qu’il supporte -- un environnement ‘scaffold’ de notre pensée. Celui-ci est ‘performé’ par des corps sachants, comme le souligne la notion de savoir incarné (em- bodied knowledge), développée à partir de la phénoménologie de Merleau-Ponty -- et de plus en plus sollicitée par plusieurs disciplines dans le champ de la recherche -- décrivant un savoir situé à l’articulation d’une intention et d’un savoir in-corporé. Le processus de conception architecturale formulé en tant que geste selon la portée de la définition proposée transcende en cela la finalité matérielle qui semble principalement engager tout projet de transformation de matière urbaine. Il est à imaginer comme une occasion d’aller physiquement et mentalement à la rencontre d’un site, qui le devient de par la rencontre avec des corps sachants et des intentions. Le geste envers un environnement actif dans la relation devient support de notre élaboration du vivre-ensemble ; par connaissance incarnée sollicitée et par celle en devenir, par itération entre expériences et gestes du quotidien, et leur remise en question. Cette dimension itérative et réflexive du projet -- mise face à l’ampleur, la complexité et l’inertie du métabolisme urbain -- implique le développement trans-scalaire et trans-disciplinaire de structures-support d’itérations à la fois physiques et mentales entre expérience vécue, cadre conceptuel de conception spatiale et structures générales de la connaissance. Ces artéfacts, appelés ici objets translationnels, sollicitent les savoirs incarnés de manière analogique à l’environnement-support, et les mettent en dialogue ou confrontation avec des spatialités existantes, de manière dynamique et collective. C’est dans ce cadre qu’opère l’enseignement de troisième année Atlas Poliphilo. Cette interface d’enseignement et de recherche est conçue en tant que structure-support ; un conglomérat d’objets translationnels et de relations unissant les différents acteurs -- humains comme ob- jets – qui constitue un modèle ontogénétique, incluant en permanence les savoirs incarnés dans le processus de projet et propre à supporter recherche comme enseignement en maintenant un collectif à l’étape fertile du ‘proto-projet’. Les différents supports physiques organisent les relations, l’organisation de la connaissance et son partage, la mise à distance conceptuelle du quotidien, les itérations entre virtualités et actualisations. Le territoire de la Grande Genève, une carte de la physicalité de ses réseaux techniques, des planches d’atlas warburgien utilisant l’image pour penser par association les problématiques soulevées, des objets physiques transportés sur le site, des dessins d’éléments physiques du site, d’objets et de personnes font s’articuler différents savoirs et leur rencontre avec un territoire en s’inter-informant. La contribution s’appuiera donc sur des éléments produits lors de deux semestres d’enseignement pour en détailler la structure et la manière dont celle-ci participe à rendre l’engagement de toutes les personnes opérationnel tant en termes de recherche que d’enseignement -- perçus ici comme des inflexions de visée dans la temporalité du processus de projet, ou de geste.