Dans le contexte de la philosophie analytique, la thèse de la multiréalisabilité ou de la réalisabilité multiple affirme la possibilité d'une réalisation ou d'une implémentation d'une même propriété dans plusieurs systèmes de nature différente. Cette thèse permet de concevoir qu'une même propriété, interprétée alors comme une fonction, soit réalisée de différentes manières. Le concept de multiréalisabilité a été forgé à l'origine par les philosophes de l'esprit Jerry Fodor et Hilary Putnam dans les années 1960, en vue d'invalider la théorie de l'identité esprit-cerveau alors en vogue chez les philosophes naturalistes. Selon cette théorie, les états ou processus mentaux ne sont rien d'autre que des états ou des processus physiques se réalisant dans le cerveau, ce qui conduit à identifier chaque type d'état mental à un unique type d'état cérébral. Or, il semble bien qu'un même type d'état mental, comme la peur, puisse se réaliser dans des structures cérébrales différentes appartenant à des espèces biologiques éloignées entre elles. Un cas paradigmatique d'état mental qui semble multiréalisé chez tous les êtres sensibles est la sensation de faim ou le désir de manger. Il ne paraît donc pas possible d'identifier un type d'état mental particulier à un type spécifique d'état du cerveau. L'idée selon laquelle les propriétés sont multiréalisables a également été introduite pour justifier la théorie computationnelle de l'esprit et l'analogie de l'esprit avec un logiciel d'ordinateur. De même qu'un logiciel informatique (ou programme) peut être implémenté de différentes manières dans différents types d'ordinateurs, certaines opérations mentales se réalisent comme des programmes dans des cerveaux aux propriétés neurophysiologiques différentes, comme celui du poulpe et celui de l'être humain, par exemple. La possibilité que ces opérations puissent se réaliser dans des systèmes informatiques est également envisagée.
Michael Herzog, Christian Sachse, Adrien Christophe Doerig
Daniel Gatica-Perez, Jean-Marc Odobez
Paolo De Los Rios, Thomas Petermann